Jouvence d’un Eté

Jouvence d’un Été

 

Cales grainetières des essors du Levant, aux amphores emplies d’huile savoureuse, de coffres pleins d’émeraudes et de schistes, dont l’Agathe reflète la divine luminosité de cils en cils dans l’énamoure de sa coque ventrue de passementeries d’ivoire et de jaspe, que les marins aux âges solsticiaux gardent, dans leur armure de soleil et de scintillante écume, alors que l’aube blonde descend parmi les temples, et que les coryphées entonnent des prières de haut songe.

Vestales nues, des rimes antiques allant et venant les nuptialités devisées, celles de sources et de stances charriant des laves de frissons, où le cri des oiseaux de Mer enfante la mélopée des vents à la voile hissée hâlant l’heureux rivage à conquérir, ici, là, dans les conches dérivées où s’aventurent, dans la noblesse, les sages et leurs écrins bâtis de renommées, déjà par les prairies lactées de rêve, déjà par les présents poudrés de règne, alimentant au-delà des perceptions les nautiques présences, aux amarres tissées de portuaires élancements sous le zénith apparaissant.

Livre cours d’un Peuple accourant, une foule dense de convoitise et de curiosité mêlées, dans un embrasement de voix fulgurant les pontons d’onyx où les pavillons claquent pour présenter aux arrivants la nature des écumes foulées, ici, par l’enceinte des forteresses d’ébènes où les marchands parés d’un turban de soie font inventaire, regardent, pèsent, mesurent, jaugent de leurs regards aiguisés que rien ne peut ternir.

Devisant les valeurs, comptant et recomptant en fonction des besoins des ilotes attentifs ne cherchant à acheter le moindre produit, préférant laisser ce soin aux connaisseurs, agités, gesticulant ou affables, contemplant et marquant leur accord pour les étoffes, toutes moirées du marbre du couchant, irisées de dimensions bleutées et fauves qui seront les parures de colonnes sculptées, de portiques enseignés, et des nefs conquises, gréements de rires aux rives du regard des animaux gardant les navires, alluvions de ce continent perdu au sud, voulant ressembler aux Êtres dressés.

Fastes de féeries, de conciliabules et de tonitruantes mêlées, où chacun retrouve les travers de certains, et certains les demeures d’autres toujours à la recherche de ce qui n’existe que chez les autres, ainsi alors que le halo de midi sonne les pantagruéliques ripailles, offertes aux auberges ouvertes à tout vent, sous le respect du dépôt des armes et l’agonie de toute querelle.

Où les équipages se rencontrent, se disputent et parfois s’allient afin de conter l’aventure venant des fresques aux terres adulées là-bas, scintillant sous le Ponant, exultant la nourriture aux senteurs surannées, baignées de vins de terres olympiennes, trouvant mesure de ventres affamés,  de palais assoiffés, banquetant sans silence, dans l’arrogance de chants paillards, dans la trivialité forçant au rire le plus ténu comme le plus arbitraire.

Tandis qu’au dehors les enfants s’agglutinent pour regarder ce qu’ils seront demain, marins, marins disent-ils, en regardant les yeux écarquillés, levant d’oriflamme jouant sur la berge, le sabre au clair, sous les yeux attendris des vieillards paresseux, se rappelant des heures de gloire, des heures insouciantes et d’autres terribles aux méandres des guerres déployées, aux cohortes malmenées.

Tant de souffrances pour tant d’innocence, se disent-ils, mais ces enfants ne le savent pas encore, le rêve leur tenant lieu, qu’il ne faut les désespérer sachant qu’ils sont les lendemains qui chantent, ces lendemains qui viendront de découvertes en découvertes, toutes les Îles de ce monde, et bien plus les continents signant dans la brume leurs horizons de clartés souveraines, de Terre, de Terre en moisson de la Mer et des Océans fulgurant les densités de l’œuvre à naître.

Éclairer et prospérer par toutes voies dont les sentences et épopées ne désarment, mais s’invitent à la pure jouvence d’un Été, et bien plus encore à la moisson des nuits de ces étoiles en nombre attendant d’être foulées par les pas des Êtres de ce chant, si lointaines et si proches à la fois qu’il suffit de les imaginer parsemées de terres vierges pour en éclore les saveurs et les odorantes ardeurs, demain, venant des équipages talentueux, et des armées de fenaisons, demain dans la destinée ne s’écrivant dans le statisme mais dans l’action la plus épurée et la plus noble, celle du cœur battant en harmonie avec les Univers et leurs flots incessants, ressacs de la puissance ne se déshonorant ni ne se narguant …

© Vincent Thierry