Parousie

Parousie

 

C’était un jour d’été, livre de nature l’embellie, aux vagues éternelles de l’île souveraine.

Calice des heures antiques, le temple ouvrait ses portiques de jade, et dans la profusion des houles initiait sa vertu de couleurs majestueuses.

Couche de safran matinal, vierge ramure du cristal, dans la torpeur du sommeil s’évanouissant en l’éveil, Maïa s’étirait, voluptueusement sereine.

La chaleur du soleil étreignait son corps, emplissant d’Azur le secret de son cœur, l’amour impérissable dont elle était déesse et prêtresse de haut nom.

Elle se leva et dans la fécondité d’un chant qu’elle élevait dans le ciel pur éployé, s’adonna à ses ablutions, nageant fertile, le bassin d’ivoire empli d’eaux de roses, puis, chaque fibre de son Être ranimé, vêtue d’une simple toge diaphane, rejoint la nef portuaire du temple, son règne et sa splendeur.

À l’extérieur des murs, d’une blancheur irradiante, se pressait une foule bigarrée, cohorte de quémandeurs, de prévaricateurs, foule de demandeurs, de pleureurs, groupe de crédules, d’infidèles, se tressant, tel un filet, jusqu’à l’apogée du mont ivoirin où se dressait le phare de la nuit, évitant le naufrage des nefs en parcours.

Que de pleurs, que de rires, que de souffles, de désirs dans les centaines de cœurs la déployant, contenus par les gardiens du temple, immuables en leur beauté, nus ciselés dans la plénitude de l’essor, armés de la lance de l’écume, pour seulement obérer toute tentative de déchaînement et ainsi maintenir la fluidité du courant des visiteurs.

Le soleil était haut dans le ciel sans nuage, la mer lisse, la plage enserrant la presqu’île d’or, pourprée.

Déjà les premiers quémandeurs entraient dans le Temple. Phaïstos regardait la magie déambulatoire, attendant son tour comme tout un chacun, il y avait là des Sémaphores, aux visages laminés par les tempêtes, ici les Lipariens aux yeux verts, écrins des mers sauvages, plus loin les Agorêthes à la démarche souple, meneurs de troupeaux, et, sur la stèle monacale, les Assyrs, libres de vœux, guerriers infatigables croissant sur les frontières frénétiques où pas un seul jour la guerre n’éclatât pas pour toute cause que l’imagination présuppose.

Phaïstos faisait œuvre de patiente, regardant la foule bigarrée, ses écumes et ses mondes, ses lyres lascives aux fêtes du levant, voyant sur l’onde gracieuse s’éblouir le rayonnement d’Aton, l’astre solaire, poudroyant les corps de gouttelettes de sueur brillant de mille feux, allégorie exhalant la pluie des âmes aux surabondances de parfums opiacées répandant une exhalaison enivrante, maintenant le calme de la foule, grisée de senteurs, convoitise et désir d’ardeurs accomplies.

Dans cette brume invisible se tenait un groupe de jeunes femmes, dont les épaules s’ornaient d’un talisman azuré qui désignait leur fonction de navigatrices des étoiles, hymens des allégories alliant à la volupté la force psychique nécessaire au guidage des vaisseaux par-delà les stances des cieux et de la mer. Leurs longues chevelures d’un blond cendré vibraient sous le soleil, l’éclat de leurs yeux d’un bleu profond enracinait le regard comme, seule, sait le faire la magie des thaumaturges, leurs corps élancés, graciles resplendissaient de vie, et le voile qui les couvrait mettait en valeur leur force vitale, inondée de souffle solaire.

Phaïstos se rapprocha insensiblement du groupe, poussé malgré lui par la foule qui, maintenant se faisait plus dense, et dans ce mouvement parvint à les rejoindre sans qu’il le crut originellement.

La voix cristalline de Maïa s’éleva tout à coup, initiant le silence de cette foule enivrée, mélopée source devenant fleuve, non de ces fleuves gémissants ou implorants, mais bien au contraire, aux flots vivants, évanescents le doute, le regret, la prosternation, pour éveiller la densité de la vie en chacun. Et chacun en son dire de vivant lentement, muait, se débarrassant de ses scories, de ses imprécations, de ses lâchetés, de ses oublis, de ses infortunes, de ses disgrâces…

Maïa, que la foule voyait sur le promontoire Templier, magnifique et magie, scandait le devenir, livrant parousie le mystère dévoilé de la création en sa fertilité, dessein des âges du vivant, et son verbe, maintenant, tétanisait la foule. Une foule silencieuse, épousant l’origine du monde, une foule délivrée regardant l’avenir, une foule libérée officiant l’avenir.

Elle était venue pour entendre, elle était venue pour voir, elle avait vécu de ses sens ces éblouissements et maintenant, lavée de ses moires aisances, lentement commençait à refluer, sous le regard énigmatique des gardiens qui tressaient en colonnes sa respiration fluide.

Maïa regardait ce peuple s’évaporer lentement, heureuse de lui avoir rendu le bonheur, porta son regard sur le groupe des navigatrices qu’accompagnait maintenant Phaïstos, dont le devenir lui apparaissait, noble, par-delà les voiles de l’apaisement, celui d’un conquérant, il ne le savait pas encore, mais le vivrait chaque seconde dans ces temps nouveaux qu’elle embrasait d’illuminations Solaires.

© Vincent Thierry