Patron, tu nous élèves, tu nous réchauffes,
On court dans les tuyaux, on descend et l’on
remonte.
On quitte la cuve et on prend l’air,
On retrouve les amies, les autres graines, et
une feuille verte.
D’où es-tu ? Moi je viens de la pièce de Roudet,
Le soleil a tapé sur nous tout l’été.
Je viens de Balestard, d’où nous avons une belle
vue !
Moi je viens de Loyasson, entonne soudain une
voix aiguë.
Quelle chaleur ! la pompe chante,
Mon maître s’est trompé de cuve !
J’étais à la cuve deux et me voici à la
onze !
Il fait chaud ici ! A combien êtes
vous ? Ça fermente !
A trente six ° Oh là là ! j’étais mieux à
vingt six degré
Vite, vite un peu de frais ! Trente six
c’est le bouquet !
Savez vous la nouvelle ? La cuve trois ce
sont vos cousines de Penic
Il a fallu les arroser toute la nuit !
Elles sont montées à trente huit°
Les graines rigolaient et frétillaient en
refroidissant.
De sa grosse voix la graine noire, racontait à
ses amies :
Ho là là ! Le soleil de cet été a grillé mes voisines en
plein midi,
Moi, dit-elle,
je me trouvais sous une grosse feuille bien verte !
Du sucre, il y en a cette année ! De quoi
être obèse !
Aspirée, elle partit au fond de la cuve raconter
ses péripéties.
Et là, elle rencontre ses cousines, en robes
légères,
Elles riaient et chantaient ; nous sommes
de Carpin,
Quelle promenade ! Que de levures en
chemin,
Comme elles sont vaillantes ! Elles transforment
le sucre en alcool !
Au secours patron, il y a des bactéries, j’en ai
raz le bol,
Dans la petite cuve la-bas, elles vont dégrader
le sucre,
Le vin se transformera en vinaigre. Prenons
garde !
Une grosse graine de merlot se promène dans la
cuve quatre,
L’année prochaine nous aurons la clim. Mes amies
je vous le dis :
On nous goûtera et nous aurons la médaille d’or
à Paris !
Cette belle cuve est notre maison, Papa s’occupe
si bien de nous !
Il est là tout le temps, il nous déguste, nous
prend la température,
Pour en faire le meilleur des nectars,
On sera les premières ! Je vous le jure !
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