Analyse

Analyse

 

Lorsqu’on analyse cette guerre tragique qui se déroule, on ne peut être, si la raison reste présente à l’esprit, le temps de la colère apaisé, que stupéfait devant le délire médiatique qui s’en est emparé. La guerre est une chose effroyable qui ne peut être utilisée qu’en dernier ressort et sous les auspices d’un accord légitime entre les Nations.

Tel n’est pas le cas actuellement. Les faits sont là, il faut maintenant regarder la réalité et non pas s’extasier sur la puissance de feu des uns et la résistance acharnée des autres, des hommes, des femmes, des enfants sont en train de mourir pour une cause qui semble supérieure aux uns, et nécessaire aux autres. Et je pense qu’au-delà du clivage, il faut avant tout penser à eux, qu’ils soient dans un camp ou dans l’autre, et au-delà du témoignage tenter de faire prendre conscience aux uns comme aux autres de l’inutilité parfaite de ce conflit.

L’Amérique prétendait apporter la Liberté au Peuple Irakien, ce dernier refuse la liberté qu’elle soumet, et défend farouchement son territoire. Le Gouvernement Américain qui croyait voir ses soldats reçus avec amitié et en libérateur, ne peut que constater que la population Iraquienne les rejette. Ce gouvernement croit-il un seul instant qu’une fois le Président de l’Irak chassé du pouvoir, son Peuple l’accueillera avec joie ? Je ne le pense pas personnellement. La haine engendrée par le pilonnage continu des villes, par les erreurs tactiques, par la mort de milliers et de milliers de civils restera le phare de la rébellion d’un Irak, peut-être sans son Président, rébellion qui surgira à chaque instant, relayée par l’ensemble des Pays qui ont soutenu la Paix et en dehors de la Paix la Voie du Droit.

Qu’il suffise de regarder les jeunes générations qui sortent dans les rues pour conspuer cette guerre pour comprendre une chose : l’Amérique pourra rester une grande puissance mais elle sera désormais regardée comme a pu être regardé l’URSS en son temps, comme le foyer d’une dictature se réclamant de la démocratie mais n’en appliquant pas les principes. La méfiance des pays sera d’autant plus grande vis-à-vis de ses tentatives de réaliser l’Ordre Mondial auquel elle aspirait.

Car chaque Être Humain aujourd’hui le sait, l’Amérique se comporte en conquérante, non pas pour la liberté mais pour sa propre hégémonie. L’Amérique a fait un trait sur le Vietnam, et la leçon qu’il convient de retirer de cette guerre qui semble oubliée : on n’asservit pas un Peuple à une idée, on n’impose pas la Liberté, et ce ne sont pas les milliers de bombes, le napalm, les milliards de balles qui font que l’on convainque un Peuple à se soumettre. Aucun peuple ne se soumet devant la violence, il résiste, résistance passive le jour, active la nuit, la guérilla s’installera inexorablement.

Je veux bien croire aux bons sentiments de l’Amérique, dont je ne pense pas qu’il faille se désolidariser un seul instant malgré les événements, mais je pense sincèrement qu’elle s’est trompée et qu’elle doit prendre la mesure de ses actions aujourd’hui. La guerre éclair qu’elle prévoyait est anéantie. De même que la guerre psychologique que mènent les médias, maîtres de la désinformation tant au niveau des images que des dires, risibles pour la plupart si le sujet n’était pas si grave, ce qui n’est pas à l’honneur de leurs acteurs statutaires dont la bêtise, née d’une ignorance atavique, est sans limite.

Savent-ils seulement que l’Irak a été l’un des berceaux des Civilisations dont nous sommes issus ? Les ressentiments qui naissent et qui vont naître par la durée de cette offensive ne vont faire qu’empirer, les clivages vont s’accentuer et l’Amérique va se trouver, malgré elle isolée, contrairement à ce qu’elle peut penser.

Tout le monde a droit à l’erreur, si tragique soit elle, peut-être serait-il temps maintenant, avant qu’il ne soit malheureusement trop tard, à l’Amérique de revoir sa stratégie et se rapprocher de l’ensemble des Nations qu’elle a ignoré pour trouver une solution viable au devenir, le sien propre comme celui des Autres qu’elle ne peut ignorer, ainsi retrouvera-t-elle sa densité au cœur des Nations dont jusqu’à présent elle a été le moteur puissant de cette Liberté dont je ne peux croire qu’elle a oublié la pure réalité.

Je terminerais en disant tout simplement que je crois en l’Amérique, qu’elle a ce potentiel lui permettant de se retourner, car au fond de chaque Américain existe ce pragmatisme qui lui a permis d’être respectée par l’ensemble des Nations. En attendant je ne peux que penser aux hommes qui meurent au combat, aux femmes et aux enfants qui meurent sous les bombes, et je ne me désolidariserai d’aucun d’eux, car nous n’avons pas le droit de le faire, car chacun d’entre eux fait partie de cette famille Humaine à laquelle nous appartenons.

© Vincent Thierry