Les murs ont la parole
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- Catégorie : Littérature
Les murs ont la parole
Dans le domaine du sensible, de ces voies inexplorées du cerveau humain, de l’activité médiumnique, les relations sont audibles et issues d’un déterminisme qui relève de mondes transfigurés en lesquels des Êtres s’adressent les uns aux autres d’une manière qui peut nous apparaître étrange mais qui reste dans le réel et n’est pas la conséquence d’une imagination débridée ou maladive.
La transcription, l’émotion, l’intuition sont des vecteurs spontanés de cette audition qui génère des révélations sur des domaines matériels, spirituels issus d’actes humains qui imprègnent la densité physique, qui alors devient chargée d’une émotion particulière que chacun peut ressentir suivant son degré de perception. Il est des murs, des lieux, des configurations qui restituent la parole, incitent à la parole et ont pour vocation de donner des indices sur ce qui a été fait, sur ce qui a été dit, et bien plus sur les actes eux-mêmes qui se sont produits.
Révélateurs, ils s’intensifient chez le médium d’une manière appropriée afin que la réalité embrase leur densité et éclosent une orientation, une action en réparation, ou bien une attention tout simplement. Un exemple insistant s’est manifesté chez x qui, après avoir visité un appartement, n’était pas en accord avec son achat et toutefois se trouva y habiter, l’achat de cet appartement ayant été réalisé par y.
Des manifestations se produisirent suite à son arrivée, claquage du bois des tables, des armoires, apparition sauvage notamment d’un personnage monstrueux. Petit à petit les sources se firent plus oppressantes, prenant les contours d’une fixation pathologique, le verbe tuer revenant sans cesse, faisant accroire à x qu’il devenait fou, alors qu’il ne faisait qu’entendre mais qu’il ne devinait pas encore ce que cela signifiait dans le contexte où il était. L’appartement était initialement propriété d’une famille très catholique, dont l’un des enfants est devenu prêtre et officie en Afrique.
Le fait pour X d’invoquer le Christ suffisait pour apaiser les humeurs qu’il entendait, humeurs qui se transformaient en visions particulièrement sordides, scènes de sexualité débridées, scènes de luxure éprouvante. Retournant le problème, x se décida d’écouter et d’entendre, sans tenir compte de la peur que lui inspirait chaque parole qui résonnait des murs et l’enveloppait comme pour mieux le dénaturer.
Il essaya de comprendre, puis petit à petit le terme tuer fut remplacé par la phrase, j’ai été tué. Et cette voix qui lui parlait au-delà du brouillard émis par le personnage monstrueux qu’il avait vu, était une voix d’adolescent qui disait se nommer Itrich Didier. Il était scout, et ami des enfants de la famille qui vivait dans cet appartement avant l’arrivée de x et de y. Il venait suivre l’éducation religieuse qui y était dispensée par un prêtre qu’il nommait Dumont Lionel.
De jour en jour la lumière de ses explications venait ce jour où x entendit et vit clairement s’inscrire les actes qui possédaient cet appartement. Itrich Didier expliqua qu’il était seul avec Dumont Lionel, que ce dernier l’avait approché et commencé à l’attoucher, et devant son refus, s’était dirigé vers la cuisine pour prendre un couteau et le soumettre à sa volonté. Violé sous la menace, l’adolescent expliqua que Dumont l’avait tué pour taire ses cris et profiter de sa dépouille, puis mutilé.
Tout s’expliquait et à la question mais qu’est-ce que tu es devenu et qu’est-il devenu, Itrich Didier répondit qu’il avait été incinéré par Dumont dans un hospice Parisien dont il ne connaissait pas le nom, mais il savait que son prédateur était confesseur à Saint Martial en Ardèche, et qu’il n’avait jamais payé pour son crime. X fit part de cette révélation à la police, ce qui permit l’arrestation et le jugement de l’horrible confesseur.
Dès lors, les murs se turent, ils avaient libérés leur mémoire et x retrouva son équilibre, qu’il n’avait jamais perdu au demeurant, mais qu’il croyait corrompu ne reconnaissant pas ses capacités médiumniques. Cette relation n’est qu’une relation parmi tant d’autres que maintiennent secrètes bien des Êtres Humains de peur de croire qu’ils ont sombré dans un chaos sans fin, alors qu’ils sont tout simplement en relation avec une histoire, un fait, un drame, ou bien tout simplement une banalité. Les exemples de ce type ne manquent pas, et il serait intéressant d’allier à certaines recherches, notamment criminologiques ces restitutions qui permettraient peut-être d’élucider un certain nombre de disparitions, de crimes, de faits historiques et divers.
© Vincent Thierry