Mutation
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- Catégorie : Science fiction
Mutation
Il n’y avait plus place pour la parole, plus place pour l’action, plus place pour le devenir, dans ce monde narcissique, épousé de sa propre forme informe, un feu y couvait, n’ayant d’autres préambules que ceux de se voir libéré afin de se confronter avec cette léthargie couvrant de ses oriflammes toutes surfaces en viduité, un feu rayonnant, austère et conquérant que rien ne saurait défaillir, tant sa graduation naissait l’expression de la Vie dans son inaltérable densité !
Au-delà de la virtualité comme du factice nés de l’atrophie, cette force prenait mesure du déploiement de l’inconditionné, de cette boue saumâtre en laquelle les sons des chaînes se répercutaient à l’infini dans une forme étrange, née de toute larvaire demeure, fosse où des reptiles assoiffés se conditionnaient pour se nourrir du sang des êtres, ce sang avili et dégénéré par l’immondice et ses cohortes dont les grands prêtres attisaient la haine, haine de la Vie, haine de la Joie, haine de la Grandeur, haine née de leur cruauté bestiale et pandémique se lovant dans un fascinant mirage, celui d’une unité barbare !
Il y avait là mesure du combat à vivre et forger, mesure inexpugnable qui se devait pour libérer de ces entraves les Êtres de ce temps et de ce chant, des êtres informes rivés à la demeure de Thanatos, esclaves d’orgiaques affinités qui n’avaient de devenir que la poussière des songes. Monde figé, monde barbare, monde atrophié, il était temps de sortir de la fange son écume, sa pluralité et son exacte ascension !
Ivoire, la nue couvant la cendre, l’affrontement s’évertuait déjà, aux souches profondes, reflets de la force civilisatrice les prémisses ! Insigne de la parole de l’acte qui ne se régit mais se renforce de voix en voix dans la plénitude de l’assomption, dans un accord sans failles ! Témoignage, de chaque cité, de chaque horizon, de chaque sillon, l’aristocrate détermination délivrant la nue de son langage de Babel, nocturne errance n’ayant d’autre but que l’annihilation de l’identité par toutes faces ! La résurgence était là !
Reprise en chœur, marche en avant d’une contraction dimensionnelle souveraine permettant de rétablir la Vie dans son principe et sa splendeur, et réduire à néant les prévarications de tous bords des prédateurs. Vaincre pour vivre ! Cette devise s’emparait de tout existant, en chaque lieu, en chaque temps, en chaque considération du Vivant, et dans le jour éclatant, vit son exaltant message opérer sur toutes surfaces de ce monde, dans une précision organique noyant à jamais les confluents et les affluents de thanatos, dans ce lieu, leur précipice et leur dessein !
Combat titanesque, combat de la faim, combat du désir de vivre contre les dévoreurs et les sangsues de la liberté, combat en tous lieux, en tous regards, en toute identité pour faire renaître la fleur immaculée de la Vie par tous chemins de ce monde hier perdu, délaissé à la barbarie et ses fauves sanguinaires, ces glauques bubons inondant de leurs menstrues les prairies alertes et vives, fauchées hier par le joug du délire et de ses compassions, ce jour renaissantes, majestueuses et signifiantes par-delà l’inconscience putride et ses préaux d’esclaves !
Le sang parlait au sang, le sang de la Vie combattait le sang de l’atrophie, lavant ce monde de ses charniers, de ses lâchetés, de ses horreurs sans noms prononcées par le seul véhicule d’une pensée unique témoignant sa cruauté sur toutes faces vivantes, cruauté infâme, étourdissante, voyant les êtres relégués à de simples entités vouées à la dérision du nanisme individuel et collectif, nanisme intellectuel, nanisme économique, nanisme larvaire où avait disparu toute volonté d’Être, toute force de vivre, asservissement total voué au fer et au joug de l’esclavage consenti de la naissance à la mort légiférée !
Ce monde s’éveillait enfin à sa joie pour rendre grâce à la Vie, et œuvrer dans le sens de la Vie, voyant la marche somptuaire de Peuples Vivants, d’Êtres Vivants, en marche d’une unité respectueuse et inconditionnelle, vers cette luminosité de la Vie, jusqu’alors broyée par les chaînes scientifiques, politiques, eugénistes, toutes dévouées à la dérision du Vivant, en supports de l’inimaginable, le mensonge accouplé à la cruauté et à la bestialité ! Devises de ces essors d’hier, contraignant l’Être au non-être, les Peuples à la disparition, les Identités à la poussière, les existants à la désintégration, toutes devises ce jour vitrifiées par cette force purificatrice de la volonté des Êtres de ce temps, assignant le devenir de l’Être en la Vie et non dans la mort !
La mutation était réalisée, cette mutation transparaissant l’infini et non la poussière d’hier, une mutation permettant à chaque Être de ce monde de se regarder en face et non plus sous le voile de l’ignominie et de ses rives complaisantes, la trahison, la reptation, l’assujettissement, fourvoiement de chaque individu hier, enfin libéré de ces carcans délaissant à la rive les prédateurs et leurs scories, dans leur atrophie mentale et leur perversité consciente ou inconsciente, afin de dresser sur chaque surface de ce monde un respire de Lumière, transcendant l’Universalité en chaque demeure pour l’ouvrir à l’Absolu, vague profonde lavant à jamais les terres de l’abîme insoutenable vers lequel les guidaient ces êtres du néant ne pouvant concevoir un seul instant la Vie en dehors de leur propre narcissisme subjectif, la Vie qui ce jour enfin libérée se déploie par la densité des espaces et vogue sa fertilité dans l’Éternité…
© Vincent Thierry