Portuaire
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- Catégorie : Science fiction
Portuaire
Dévoué à la pluviosité des rythmes, le ciel se transfigurait. Il y avait là des marbres altiers qui ruisselaient sa fécondité, et sur les cristaux, ces ramures impassibles qui semblaient narguer le néant. Mystique, l’aube se levait sur ces sources chamarrées que la première luminosité dévoilait danse, couleur, féerie, théurgie d’une monade convexe que le regard pénétrant des aigles contemplait. Assises des brumes moirées de songes, les pics des pentes abyssales résonnaient de leur or limpide, vastes préambules du sens qui viendrait, ce sens de l’horizon qui ne se perd ni ne se raréfie dans l’Âme élémentaire qui initiait sa densité.
Le Verbe s’y mirait, constellation diaphane initiée des sèves antiques, et là en son sein, gravité, découvrait, témoignage de l’ornementation vivante, une nef, dont la splendeur irisait la plénitude. Une foule s’y pressait, navigatrice de l’heure antique, le pas majestueux, la tête nue sous les intempéries, union d’êtres en liens aux regards sereins.
Ce bâtiment gréé recelait en ses coursives bien des rêves, de multiples cabines dévoilant la multiplicité des univers en leurs cargaisons de ciel. Il y avait là les ivoires de Karn, les compositions sacrées de Vodj, les conques musicales d’Orion médian, les soies chenillées de Lyre, et les magnifiques étendards de Tannhäuser, et ces nourritures…
D’exquises esquisses de laves mûres d’opiacés de sortilèges, des ceps de la septième lune d’Astrée, des aubes magnésium des Mercuriales, et ces fines pâtisseries d’Orech la blonde dans la gravure du Lion, et ces meubles d’acanthe… Gravures de Nyx aux broderies spartiates, antimoine des salons d’Orphée, passementerie de la constellation du Cygne, litières de porphyre de Jupiter l’antique, tout un monde de bois de palissandre ruisselant des gemmes de Sgar, enivrement d’objets Litiens… Instruments des racines de Cassiopée, orgue hermaphrodite de Tyar, cithares des Lunes de Diran, va et vient… Des éclipses transcendées qui voguent les cristaux, ces phares habités qui inondent de leurs parfums les escales statutaires, évadées des Îles des Nixes qui poudroient l’infini, rubis diaphanes qui s’éploient, se parlent aux labyrinthes engrangés.
Et dans ces flux et ces reflux, les Êtres par ces temps composaient d’ivoire et de jade, de porphyre et d’agate, les jeux essentiels à leur survie, d’étals en étals conversaient des nouvelles en flots qui paraient les miroirs en éveil devant leurs yeux médusés : le clair-obscur des planètes de Latran atteintes d’entropies mineures, les exondations de Mars, lavées par des orages solaires précipitant son sort, les découvertes étranges de la tridirection dans des parchemins votifs des siècles d’apogée des sources de Saran, la réunion des unions portuaires aux périphéries de Dyosos, et les sentences de l’Imperium régissant les pouvoirs accrédités, enfin la nature des symphonies astrales, nouvelle mode de ces moments de grâce où l’esprit peut composer.
Il y avait là parousie d’un seuil, communion du genre et conscience de ces Êtres de passage, qui, déjà repartaient leurs cales pleines, vers ces mondes en esquisses, aux frontières de la galaxie, hâtifs de découvrir de nouvelles faces, de nouvelles joies, de nouvelles Vies, par-delà les marches navigantes, seuils de ces multiples galaxies vierges de leur rencontre. Ainsi, alors que sous le dôme sacré se révélait la nature profonde du lieu, dévoué à la pure conquête et à l’établissement des Ordres par la densité éclose des Univers…
© Vincent Thierry