Chute libre

Chute libre

 

Ainsi vont les rives de ce temps, charriées par un fleuve sans lit qui s’improvise malhabile, aux sites effeuillés de vastes oripeaux, drames du vivant, affluents de la misère, de l’agressivité, de la violence et de la mort, charniers de l’innocence, voyant tombés aux mains de reptiles, assoiffés de prébendes et de gloire, des êtres décharnés au dernier soupir, la peau striée par le venin de leurs prévaricateurs.

Rus d’hier qui ne demandaient qu’à vivre dans la joie, rus asséchés par les limbes de la suffisance et de sa morgue, hissés en pavois par les parvenus du siècle dont les cadavres de l’humanité ruissellent leur perversité, cette soif jamais apaisée couronnant  leur atrophie, où la douleur, presque mystique, rugit leur fléau, un rugissement qui a tout de l’humain face à leur dégénérescence, présageant des vents de colère qui ne s’apaiseront que lorsque cessera la servitude, ces chaînes, ces fers qu’ils mettent aux mains et aux pieds des Humains.

À peine nés, déjà lovés dans leurs circonstances, aux mémoires antiques parfums d’une rébellion sans fin, aux rêves du jour, acculturés et nucléarisés, demeures de veulerie pour sacerdoce, clameurs de bêtes qui en redemandent, phagocytées, qui en veulent de nouveau, laminées qui jouissent de leur torture, pauvres hères à qui l’on fait croire n’importe quoi, à qui l’on fait faire n’importe quoi, pauvres hères en déshérence suivant ce fleuve de boue qui ne connaît ni mesure, ni honneur, qui se construit sur le manque à gagner, le profit matériel inépuisable, se dore avec le sang des Peuples dont les mères et pères sont esclaves et dont les enfants servent de litière à des guerres de profits insensés.

Écumes de la nuit voyant revenir en bière des jeunes gens de toute souche, morts pour la fratrie des revenus amers, alors que la conscience ne s’interroge plus, lavée qu’elle est dans la gloire factice d’un sport devenu opium de la létalité du courage comme de l’abnégation, grande fumerie d’opium pharmaceutique où pullulent l’abstraction et ses règnes, afin d’engraisser ces monuments de la fourberie que sont leurs instruments d’asservissement, instruments qui aux mains des politiques sont dérives à propension, mannes inventées aux pandémies fabriquées qui refondent des sociétés battant de l’aile sous le poids d’une crise elle-même fabriquée pour maintenir les peuples dans l’ignorance et tenter de les flouer de la Démocratie.

Humiliation perverse que tout un chacun pressent mais que personne ne s’autorise à dire, la nature même se repliant sous l’hégémonie de la culpabilisation, s’enchantant jusqu’aux délires les plus suprêmes, narguant la science, cette pauvresse anémiée qui pour trouver ses deniers se plie à la contrition commune de la duperie, vent de folie sillonnant le temple des marchands, assignant de pâles horizons, ceux de la suffisance de la déficience, déficience mère de tous maux, les uns les autres se gargarisant dans une monumentale lubrification pour saillir la demeure Humaine et l’inviter à l’oubli de toute réalité.

Pornographie mentale qui en toute action se devise, se consomme, s’oblige, s’invite, magistrale communion du non-être en ses parterres dont les florales démesures sont viviers d’étranges larves dissonantes qui s’érigent sur les marches pied des pouvoirs régaliens, telles des pustules qui se nourrissent de la fiente qu’elles inventent, promesses de l’infinie bestialité qui doit régner pour couronner des nomenklaturas du vide souillant de leurs menstrues la moindre parcelle de l’intelligence Humaine.

Afin de l’avilir, la destituer, car ce monde a créé son propre tribunal, le tribunal de la pensée, un tribunal voyant l’imaginaire tomber dans les basses-fosses du sordide, la culture applaudir l’harmonisation étronique, une pensée glauque, toute fête du mensonge, de la somptuosité de l’ignorance, rabaissant l’Humain, le rendant à la densité de cette larve si facile à exploiter lorsqu’elle n’a plus de racines, plus d’identité, qu’elle est réduite au paupérisme, non seulement physique mais intellectuel, ne parlons pas ici du spirituel totalement oublié sinon par le sectarisme qui ne s’appauvrit mais grandie, les blés mûrs de la bêtise lui fournissant toutes troupes pour alimenter sa dissidence.

Et on voudrait que l’on s’enchante devant ces fresques de la décadence, que l’on s’agenouille devant ses prêtres et prêtresses, ces ignares bellâtres qui sont des pantins animés par la fourberie du vide, eh bien non, la majorité des populations ne se met pas en reptation devant cette cacophonie de l’illusion, elle regarde ailleurs que dans ces ruptures du vivant, et cherche au-delà de ce marasme sans queue ni tête, l’Ordre et la mesure qui lui permettront de survivre à ce gigantesque génocide de l’intelligence Humaine, à cette perversion du réel, à cette désintégration programmée de l’avenir par les faucheurs de la conscience.

Ces illuminés de la terreur, ces mystiques de la culpabilisation, ces décérébrés du matérialisme divinisé, ces tueurs nés de la Vie Humaine, et déjà annonce tout simplement qu’elle ne joue plus ce jeu de la bestialité qui s’autorise, en envoyant un signe fort, le refus du vermifuge politique, et ce premier constat en lui-même est porteur d’une espérance remarquable, le renouveau Humain, qu’il convient de voir organisé pour aller plus avant dans le cadre d’un contre-pouvoir non d’apparence mais d’action, en se servant des institutions fussent-elles nationales ou internationales, afin de gréer ce bouclier de défense des valeurs Humaines face aux dictatures matérialistes et nihilistes.

Qui s’avancent, et qui, ne voyant naître aucune opposition, - ce qui est naturel dans le cadre des politiques de nivellement intellectuel auxquelles on assiste, tirant en cela matière des plans initiés de longue date par l’union des républiques socialistes soviétiques -, formalisent actuellement le tombeau des espérances Humaines, ce mondialisme sans foi ni loi, n’ayant pour vocation que l’asservissement de l’Humain au profit exclusif de la vanité et de ses fidéistes commissaires, gagnants ? L’avenir nous le dira, en attendant restons veilleurs et éveilleurs dans cette chute libre masquée par l’abstraction, à laquelle nous assistons.

© Vincent Thierry