La
chaleur étouffante du jour, laissait des soirées plus chaudes encore, en ce
mois de juillet. Aussi à la fraîche, Rose et Sabine, après avoir dîné,
allumèrent leur ordinateur.
Sabine
tapa : « Revenants »
‘Le fantôme et
l’avare’ apparut sur l’écran et elles se mirent à
lire :
Adapté d’un
conte populaire.
Le Fantôme de
l’avare.
Je revenais de livrer des fûts de vin au
port de Bordeaux, et m’étant arrêté en route pour acheter une dinde bien
blanche et bien dodue, une tempête de neige soudain me força à ralentir ma monture. On était à la veille de Noël
et je devais arriver assez tôt pour faire cuire la dinde. La charrette était
pourtant vide mais les chevaux n’aimaient pas le mauvais temps. Je pris un
raccourci afin d’éviter d’autres charrettes.
La neige devint de plus en plus dense,
elle me fouettait le visage et la visibilité était quasi nulle. Au bout d’un
moment, j’aperçus une ferme sur ma droite ; Je résolus de m’arrêter sinon la charrette risquait de chavirer et les
chevaux de se blesser.
Le chemin était cahoteux et je sautais sur
mon siége. Enfin j’aperçus une masure d’un autre âge. Le toit était en chaume
et les murs en torchis. Je tirais sur les rennes afin de calmer les chevaux qui
hennissaient, comme s’ils avaient vu un fantôme. La neige couvrait déjà le
tiers du mur et j’aperçus à l’intérieur comme une lueur de flamme. Il n’y avait
pas de carreaux aux fenêtres simplement une grille en fer forgé rudimentaire. J’aurai
au moins un peu chaud en attendant la fin de la bourrasque. Le froid était si
dense tout à coup que des glaçons descendaient du toit jusqu'à terre ! Je
m’empressais de frapper à la porte, quand soudain un vieux monsieur m’ouvrit celle-ci. Ses yeux me lançaient
des flammes et je fus surpris. Il était habillé d’un grand manteau de gros
lainage filé à la main. Sa barbe blanche semblait ne plus vouloir pousser tant
elle était longue. Il me fit signe de m’approcher du feu.
Il me débarrassa de mon capot qui était
couvert de neige.
- Je vais rentrer les chevaux, me dit-il,
de sa grosse voix.
Je m’assis sur un tabouret au coin du feu
en l’attendant. Je fis le tour de la pièce du regard et le mobilier qui était
sûrement d’une autre époque me stupéfia.
Un lit ou plutôt une planche sur laquelle
était étendue une peau de bison servait de couche au vieillard voûté qui
m’avait ouvert sa porte.
Plusieurs
trophées de chasse étaient suspendus aux murs blanchis à la chaux. Tête de
cerf, ours, et petit animal curieux. Qui pouvait être mon hôte ? Moi qui
connaissais tout le monde depuis chez moi jusqu’à Bordeaux. Quel pouvait être
ce personnage, j’avais beau me creuser la cervelle, je n’arrivais pas à lui
trouver un nom. Il rentra et m’offrit un verre d’eau de vie, ce qui me
réchauffa le gosier.
- Merci !
Mon bon Monsieur lui dis-je. - Voudriez-vous bien me dire à qui ai je
l’honneur ? Moi qui connais toutes les contrées je ne vous ai jamais vu.
Il ne me
répondit pas et ses yeux envoyaient des rayons lumineux, ce qui me fit froid
dans le dos. Le silence se poursuivait tandis que je commençais à avoir peur.
Toutefois
rassemblant tout mon courage, je lui reposais la même question.
Il se leva de
son siége et à pas lents il s’approcha de moi, me posa une main brûlante sur
mon épaule et d’une voix triste et rauque il me dit :
- Jeune homme,
tu n’as pas encore trente ans et tu me demandes comment se fait-il que tu ne
connaisses pas l’homme le plus riche du village : Jules Gaspar ? Je
vais tout te dire car tu me sauves des flammes du purgatoire où je brûle depuis
cinquante ans. Heureusement, tu es arrivé pour me
délivrer de la pénitence que Dieu m’avait imposée. Je suis celui qui,
il y a cinquante ans a refusé l’hospitalité à un pauvre malheureux qui se
mourait de froid et de faim devant ma porte par un froid comme ce soir.
Tout à coup,
sans que je le maîtrise, mes cheveux se dressèrent sur la tête et mes genoux
s’entrechoquèrent, je me mis à trembler comme une feuille au vent du nord.
Le vieillard
continua son récit d’une voix lente sans faire
attention à moi.
- Il y a de
cela cinquante ans, c’était bien avant que les Anglais n’aient foulé le sol
aquitain. J’étais riche, très riche le plus riche du village. J’habitais dans
cette maison et j’étais seul comme ce soir. C’était
la veille de Noël. Je jouissais du bien-être de mon foyer par une grande
tempête et un grand froid. Près du feu à l’abri du froid qui faisait craquer
les pierres des murs. On frappa à ma porte j’hésitais à ouvrir ; J’avais
peur que quelques voleurs s’en prennent à ma fortune ou ne vienne
m’assassiner !
Je fis la
sourde oreille, et peu de temps après, les coups cessèrent. Je m’endormis
aussitôt pour ne me réveiller que le lendemain, il
faisait grand jour quand des coups à ma porte me firent réaliser l’heure
tardive. Les jeunes voisins frappaient de grands coups, avec leurs sabots. Et
quand j’ouvris j’aperçus un jeune homme mort de froid devant ma porte. A cause
de mon or, j’avais laissé un homme mourir de froid devant ma porte !
Après l’avoir
fait inhumer dignement avec un office chanté pour le repos de son âme, je
distribuais aux pauvres des environs ma fortune en expiations du crime que
j’avais commis.
Deux ans plus
tard, je mourus sous les fers de mes chevaux et j’allais rendre compte à Dieu
de ma conduite sur cette terre que j’avais quittée d’une manière si tragique.
Je ne fus pas
trouvé digne du bonheur des élus et je fus condamné à revenir à la veille de
tous les Noëls, attendre ici qu’un voyageur de détresse ne vienne frapper à ma
porte.
Vous êtes enfin
venu ce soir et Dieu m’a pardonné. Soyez à jamais béni
d’avoir été la cause de ma délivrance des flammes du purgatoire. Sachez que
quoi qu’il arrive ici-bas, je prierai pour vous là haut. Le revenant, car s’en
était un, parlait encore quand, succombant aux émotions terribles
de frayeur et d’étonnement qui m’agitaient, je perdis connaissance.
Je me réveillai
dans ma charrette, sur le chemin du retour, la tempête s’était calmée, et sans
doute avec l’aide de mon hôte de l’autre monde je réussis à retrouver mon
chemin.
Je tremblais
encore quand j’arrivais chez moi où mes enfants et ma femme venaient au devant
de moi En mangeant la dinde je leur racontai ma terrible aventure.
Quelque temps
plus tard, je rencontrai le curé de la paroisse et il consulta ses registres.
En effet, il y avait cinquante ans, un nommé Jules Gaspar était mort
tragiquement sous les sabots de ses chevaux.
En parcourant
l’hiver, les bords de Garonne, je frissonne encore au souvenir de cette veille
de Noël ; Même si mes amis prétendent que j’ai rêvé. Jamais je n’oublierai
les yeux de feu du fantôme de l’avare.
-
Oh ! Je serais morte sur place, déclara Sabine !
-
Je n’en aurais pas survécue ! Dit Rose !
-
Pauvre homme il avait distribué tous ses biens ! Et encore ce n’était pas
suffisant ! Ceux d’aujourd’hui alors qui se font avorter ou qui tuent au
volant, que doivent-ils faire pour avoir la vie éternelle ? Leur châtiment
doit être plus terrible ! Sabine
interpella Rose.
-
Laissons à Dieu le jugement, puisqu’il existe !
-
Pourquoi ? Tu en doutais ?
Elle
firent le signe de la croix, et s’engouffrèrent dessous les couvertures.
L’orage
les réveilla ce matin là, le matin de la grande découverte. Elles se hâtèrent
d’aller à la maison hantée, où l’attendait Etienne. Il attendait devant la
grande maison, avec tout son matériel. Seaux pelles, pioches, cordes et il
avait réussi à se procurer un marteau piqueur.
-
Y a t il du courant dans ton château ? Demanda-t-il à Rose.
-
Ce n’est pas un château mais une maison bourgeoise !
Après
quelques recherches, Etienne réussit à trouver le compteur électrique.
Ils
montèrent tous au premier étage, portant leur attirail. L’orage continuait de
gronder,
-
Tant mieux que l’orage gronde, on entendra moins le fantôme ! S’écria
Sabine !
-
Ne fais pas la fière ! Tout à l’heure tu vas t‘évanouir à sa première
sortie.
Etienne
avait beaucoup de force, il maniait la pioche, comme si c’était son métier.
-
Voyons voir ce qu’il y a là derrière ! Dit-il, si c’est un trésor, on
partage !
Comme
par enchantement le fantôme ne fit aucune apparition et ils purent continuer
leurs travaux ! A mesure qu’Etienne sortait de gros blocs de pierres, les
filles les roulaient un peu plus loin pour qu’il puisse progresser à son aise.
Tout d’abord, avec la poussière ils ne virent rien. Le travail à moitié
réalisé, ils s’arrêtèrent pour se désaltérer. Emplis de poussière, ils
éclatèrent de rire !
-
Si le fantôme vient, il va prendre peur de nous !
Ils
ne virent rien que des vieux meubles au premier abord. Alors ils continuèrent,
un grand tas de pierre s’entassait dans le couloir, et ils commencèrent à avoir
peur. Enfin ! La dernière pierre ! Ouf ! Ils suaient à grosses
gouttes et s’assirent en attendant que le nuage de poussière se disperse.
Que
va-t-on trouver ? Pensaient- ils, tous. Leurs cœurs battaient la chamade.
Ils
se levèrent, La pièce était sombre, Etienne pris la torche et éclaira les
lieux. Alors tous les trois franchirent la porte car elle était grande. Il
illuminait les murs : aucune image ou objet ! Il éclaira un lit
semblable à ceux que l’on voit dans les films d’épouvante. Nul coffre
fort ! Etienne dirigea les rayons de sa torche sur le sol. Sabine cria la
première, Rose se prit les cheveux dans les mains en hurlant et Etienne en
devint blême, et sa torche tomba par terre. A même le sol un squelette adulte
gisait là. Ils reculèrent de frayeur, la fenêtre semblait être emmurée aussi,
car dans ce lieu de ténèbres régnait une atmosphère d’outre tombe !
Une
fois dehors, ils s’assirent et prirent de grandes respirations. Les filles ne
sentaient plus leurs jambes, elles se mirent à pleurer tout à coup, en plus de
la fatigue accumulée depuis plusieurs jours, blêmes comme les morts, elles
dirent ensemble.
-
Mais depuis quand était-il là ?
-
Il faut appeler la police, dit Etienne blafard d’une petite voix.
Ils
burent un peu d’eau et Etienne les rassura en les prenant toutes les deux par
les épaules. Il les serra contre lui. Ils étaient accablés,
-
Emmuré ! Alors cela existait vraiment ! Dit Sabine.
Pauvre
gens ! Etienne, remis de ses émotions, appela la police, sur le portable.
Cela
fit tant de bruit dans le village que Rose n’osait plus sortir, La Police, les
pompiers, le parquet, les radios locales et nationales vinrent à la Grande
Hothe. La télévision voulait l’interroger, mais Rose ne savait rien.
Sabine
allait faire les courses, et Rose se terrait à Barbot. Quant à Etienne il
passait tous les soirs, il avait fini les moissons.
- Attends que cela se calme dit-il un soir à
Rose, la police fait son enquête.
En
effet après un certain temps, l’enquête n’ayant abouti à rien, l’affaire
s’estompa.
La
fraîcheur, suivant la canicule était la bienvenue. Et Sabine
voulut emmener Rose faire les magasins. Elles s’amusèrent comme des folles,
essayèrent, achetèrent et revinrent chargées de paquets !
A
leur retour, une immense voiture les attendait devant la porte de Barbot.
-
Qui cela peut-il être ?
Rose
reconnu l’Américaine lorsqu’elle descendit de voiture. Maintenant que tout
était fini, elle accepta de la recevoir.
Elle
la fit asseoir, et elle lui dit :
- Mademoiselle, j’ai beaucoup de choses à vous
révéler !
- Des bonnes, j’espère ! S’enflamma Rose.
Voici,
j’ai ici des lettres de Monsieur Welfagrost.
- Qui est ce monsieur ? Coupa Rose
-
Attendez que je vous raconte toute l’histoire.
-
Hippolyte Welfagrost, propriétaire de La Grande Hothe, était
le frère de ma mère.
A
l’annonce de ce nom Rose sursauta !
-
En quoi cela me concerne-t-il ? Riposta Rose qui était toute rouge
soudain.
-
Mademoiselle, ce que vous allez apprendre risque de vous choquer !
-
Allez y dit Rose, son cœur battait la chamade !
Mon
oncle, Hippolite Welfagrost a eu deux jumelles avec votre arrière-grand-mère
Léonce !
-
Mais, qui était-ce ? Demanda Rose à brûle pourpoint.
Une
était votre Grand-Mère, Monette, Rose crut défaillir, elle s’évanouit et Sabine
qui ne disait rien jura :
-
Mais vous ne voyez pas que c’est trop pour elle ?
Elles
l’étendirent sur le canapé, lui firent respirer de l’alcool.
Enfin,
elle revint à elle et ouvrit de grands yeux.
-
C’est tout ? Demanda Rose.
– Hélas non !
-Vous
ne me demandez pas qui était l’autre jumelle ?
-
Si jeta Rose dans un souffle. Elle appréhendait ce qu’elle allait entendre,
aussi elle respira un bon coup. Et retint sa respiration. Au point ou elle en
était, il valait mieux aller jusqu’au bout !
-
Ella ! Le cadavre que l’on a trouvé à La Grande Hothe !
-
Elle s’appelait Ella ! Et pourquoi l’avait-on emmurée ?
-
Emmurée vivante en plus ! S’enquit Rose.
Mme
Audrey Smith poussa un grand soupir et reprit : Vous ne savez pas encore
toute l’histoire ;
-
Ma maman, Edith Welfagrost ne voulait pas que son frère épouse Ingrid.
-
Et Pourquoi ? S’il vous plait ? Riposta Rose.
-
D’une beauté à couper le souffle, Ingrid émergeait d’une famille où les femmes
de mère en fille devenaient folles. Les maris devaient les enfermer sinon elles
étaient la honte de la famille !
Mais
Hippolyte n’en démordit pas, il voulut à tout prix se marier avec elle, il
s’expatria en France et s’acheta ce domaine. Hélas, la guerre éclata et en bon
patriote, il partit combattre.
Rose
la laissait parler car elle savait maintenant qu’elle avait un lien de parenté
avec elle.
-
Par ailleurs, il fut content de partir à la guerre, sa chère femme commençait à
devenir violente, et à le frapper.
-
Elle donnait des signes précurseurs de folie et il s’aperçut mais trop tard que
sa femme devenait folle. Aussi la confia-t-il à votre arrière grand-mère
Léonce. Son mari Grégoire Vilare était lui aussi parti à la guerre, et Léonce
devint vite veuve. Ils s’éprirent l’un de l’autre d’un amour fou, et passionné.
Vous savez la suite…
-
Alors, c’est vrai Monette était votre cousine….
-
Oui, mais elle n’en a jamais rien su, je crois.
-
Alors Ella, le fantôme aurait l’âge de Monette aujourd’hui ! S’en hardi Rose !
-
Nous ignorions qu’Hippolyte avait des enfants, d’ailleurs il ne nous donnait
que peu de nouvelles. Sa mère s’éteignit doucement à la suite de la perte de
son fils. Il ne revint plus jamais en Amérique, trop déçu d’avoir échoué dans
son mariage.
Quand
Léonce accoucha, ce fut deux jolies petites jumelles, Elle accoucha à la Grande Hothe. Et
la « folle », jalouse, vola l’enfant et renvoya Léonce. Léonce ne
savait pas qu’elle avait des jumelles, elle était si malade au cours de
l’accouchement qu’elle faillit y laisser sa vie. « La folle » l’éleva
dans un cachot, caché de tout le monde. Elle engagea une nourrice et un valet
muet.
-
Et c’est elle qui vous a renseigné !
-
Vous comprenez vite !
Sabine
ouvrait une grande bouche ! Elle n’avait pas tout saisi.
-
Hippolyte mourut quelque temps après, à la guerre. Auparavant, dés qu’il sut
qu’il était père, il fit rédiger un testament, favorisant Léonce sa bien-aimée.
-
Tout s’éclaircit, mais la folle ?
-
Elle se jeta par la fenêtre dés qu’elle réussit à emmurer Ella.
-
Quel âge avait Ella quand elle fut emmurée ? Demanda Rose.
-
Dans les seize ans, on imagine d’après le médecin légiste.
-
Il va falloir lui faire des obsèques religieuses à Ella.
-
Oui, en effet c’est la jumelle de Monette.
-
Avant de mourir, la nourrice soulagea sa conscience et révéla toute l’affaire.
Rose
resta un long moment pensive……
-
Vous resterez bien souper grand-tante ?
-
Merci bien, un autre jour. Mes petits enfants m’attendent à l’hôtel. Ils m’ont
accompagnée, cette fois ci,
Rose
sauta de joie ! J’ai encore de la famille ?
-
Oui ! Mais bien vivante celle-là.
Son
cœur palpitait, et un bonheur immense l’envahit, car du côté de son
arrière-grand-père elle avait de la famille, ses descendants du moins.
Sabine
qui n’avait pas ouvert la bouche depuis un moment, dit :
-
Et combien y en a-t-il ?
-
Deux, un garçon de vingt ans qui se nomme wilfried, et Ruth, qui vient juste
d’avoir seize ans, Répondit Audrey Smith.
Qu’elle
histoire ! Rose et Sabine n’en revenaient pas !
Surtout
Rose car en un seul coup elle avait une tante et des cousins !
Quelques
jours plus tard, les obsèques d’Ella ‘le fantôme’ eurent lieu.
Rose
entourée de ses cousins était très émue, elle pensait à cette lointaine parente
qui avait souffert le martyre, emmurée vivante à l’age de seize ans. Audrey lui
offrit des obsèques somptueuses. L’église abondait de fleurs blanches, l’air
embaumait, d’un parfum subtil. Des violons jouaient prés de l’autel où reposait
le squelette d’Ella. Madame Smith n’avait rien omis. Un recueillement digne
d’un roi régnait dans l’église comble pour la circonstance. Tout
le village était là, et aussi la famille d’Amérique. Les journalistes, ne
furent pas acceptés dans l’église. Le prêtre, pria l’assemblée, de prier pour
la défunte, afin qu’elle retrouve la paix, et la sérénité près de l’Eternel,
notre Dieu. Mais Rose savait qu’après ces obsèques, Ella irait retrouver la
sphère des Saints, n’avait-elle pas assez souffert à la Grande-Hothe ?
Vivante et morte.
Qu’avait
été sa vie, près de cette folle ?
Une
fois Ella en terre, tous ressentirent un soulagement, sûrs d’avoir fait une
bonne action.
Le
mari d’Audrey, son fils et le reste de la famille, afin d’éviter les
journalistes se rendirent au restaurant ; Etienne était là, ainsi que
Sabine et le prêtre.
Rose
rayonnait, elle n’aurait plus peur désormais. Elle pouvait envisager des
travaux. Sa famille d’Amérique n’avait pas besoin de son argent. Ils étaient
très riches.
M.Smith
possédait un laboratoire de recherche scientifique à Cranbury, dans le New
Jersey aux Etats Unis, et l’argent ne leur faisait pas défaut.
Rose
parlait un peu l’anglais elle pouvait parler à ses nouveaux cousins, et ceux-ci
étaient fiers d’avoir une nouvelle cousine.
Ils
décidèrent qu’ils iraient le lendemain, s’il faisait beau, pique-niquer tous
ensemble à La Grande
Hothe.
Ce
qu’ils firent le lendemain, un soleil éclatant se leva dès le matin.
Les paniers pleins de
victuailles, ils décidèrent de rester au rez-de-chaussée de la maison, à la
fraîche. Les Américains scrutèrent là maison de la Grande-Hothe. Ils étaient en
admiration devant ces jolies pierres, et proposèrent d’aider Rose, à la
restauration future. Dès qu’ils gravirent le grand escalier, Rose eut un
pincement au cœur. Elle avait eu si peur en ce lieu, mais quelle ne fut sa
stupeur de ressentir une paix, et un calme absolu. On ressentait même une paix
comme jamais auparavant on n’avait ressenti. Point de revenant ou
fantôme !
- Son âme est partie, dit Rose. Et la famille Smith
entonna un chant religieux, qui donnait un Echo dans la maison. Elle avait
des parents formidables ! Aussi fut-elle heureuse d’apprendre de leurs
bouches qu’ils resteraient un mois entier !
Elle-même avait envoyé sa
lettre de démission à Paris, elle envisageait de faire des chambres d’hôte à La Grande Hothe. Le
pique-nique fut une vraie réussite, Rose et Sabine riaient en tentant d’imiter
les jeunes Américains.
Leur accent était
effroyable, quant à Etienne, c’était pire, il maîtrisait très mal l’anglais.
Quelques jours après, ils
défrichèrent le parc et plantèrent quelques fleurs. Les charpentiers étaient
déjà à l’ouvrage, quand les travaux commencèrent à l’intérieur.
Dans le bureau, qui était
si propre le jour de sa découverte Rose trouva les lettres de Léonce. Des
lettres enflammées, qu’elle entretenait avec Hippolyte, Mais si ces lettres
étaient là et que ce fut Monette qui venait en ce lieu elle devait être au
courant de cette histoire d’amour entre sa maman et le bourgeois ! Et par
la même, son lien de parenté. Mais elle ne l’a su qu’à la mort de Léonce. C’est
Léonce qui avait gardé ce secret toute sa vie, et elle mourut âgée.
Rose passa un été de rêve
avec sa nouvelle famille, les travaux furent presque finis, qu’ils prirent
congés.
Sabine consola son amie.
Mais celle ci s’était tellement habituée à elle qu’elle lui proposa de rester
pour l’aider dans sa nouvelle tâche. Sabine sauta de joie ! En
l’embrassant et accepta avec joie.
Les jours commencèrent à
raccourcir, en cette fin d’août.
Ce matin là Rose se rendit
sur la tombe de Monette, pour y déposer un bouquet de Dahlias. Elle était déjà
là depuis un petit moment lorsqu’elle entendit des pas dans le gravier, elle
sursauta ! C’était Etienne ! Il était un peu triste,
- Qu’as-tu ? Demanda
Rose.
- J’ai peur que tu ne
repartes pour l’Amérique !
- Ah ! Je pensais que
ta préoccupation première venait de Sabine !
- Sabine ! Je m’en
moque…..
- Ah bon ! Je croyais
que tu étais amoureux d’elle !
- Je ne fais que penser à
toi…. Dit-il, en baissant la tête.
- Grand bêta ! Ne
vois-tu pas que si je reste c’est pour toi ?
Il se fit dans les yeux
d’Etienne comme de petites étincelles, un léger sourire se dessina sur ses
lèvres.
- En Amérique, nous irons
tous les deux pour notre voyage de noces ! Il la prit dans ses bras, et
plus rien n’existait autour d’eux si ce n’est cette phrase sur la tombe d’Ella
:
Une
fraîche et douce colombe s’en est allée au ciel béni,
Meilleure
habitante de l’empire Céleste.
Elle
ne fut sur cette terre que spectre et douleur,
Quel
injuste ennemi la cacha à la lumière !
L’on
t’a vue souvent airer en ces lieux,
Ella !
Pardonne, à ta tortionnaire,
Vous
qui passez par-là, arrêtez-vous, priez !
Que
le nom de Sainte, elle a mérité,
Priez
pour elle, de là haut elle pourra vous aider !
Fin
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