Charité
Où nous marchions dans la fournaise solaire, là
entre ces sables d’or et ce feu mature, parmi
les ondes se dressait l’immensité, cet horizon
familier nous voyant les uns les autres frères
pour l’éternité. Ici le regard ne se portait en
aucun cas en notre conscience intérieure mais
bien en cette conscience extraordinaire créée
par le groupe que nous formions, dans ces lieux
hostiles par nature et par destination, dans ces
lieux de terreur sans nom et de gloire
offertoire, et nos âges et nos sens n’appelaient
notre seule force d’âme pour nous révéler, mais
bien plus puissante la force de ce que j’appelle
ici la charité, la charité pour l’autre, cet
autre que le commun ne sait comprendre, cet
autre que le commun a oublié pour ne vivre que
dans la ramure de sa propre prosternation ou
adoration.
La Charité telle que décrite était notre écume,
notre ferveur et notre accomplissement. Loin de
nous l’idée de délaisser un de nos frères dans
ces étendues austères et toutefois majestueuses,
en leurs cristallisations comme en leurs coloris
passant des brumes de l’aube à l’abyssale
randonnée des rayons stellaires. Nous étions
veille les uns des autres sans jamais nous
lasser, car, au-delà de la dépendance, don du
salut de nos frères, et réciproquement dans ces
parcours infinis qui nous virent des côtes
sauvages à Saint Jean d’Acre et jusqu’en
Jérusalem la céleste. Il n’y avait ici de cette
digression que l’on voit luire dans les yeux des
marchands et des avidités quelconques, nous
donnions un point c’est tout.
Et ce n’étaient dans les âpres combats que nous
oubliions un seul instant notre devoir et le
mérite de notre cause, mais par delà ces vagues
naturelles, nous conservions en nous la mémoire
d’autrui, cet autrui là devant nous, pierre
polie ou brute, toujours pleine des ressources
qui nous font Humains à la face de Dieu.
Complémentaires les uns des autres, allant en
charge des caravanes Humaines, nous visitions
les cœurs et en scrutions l’intense sevrage où
l’intense servage, voyant plus d’Etres qu’une
vie en campagne ou en ville tisserand. Et nos
voix les unes les autres enseignaient sans
jamais tarir cette Charité qui nous liait les
uns aux autres, non la charité dans l’humilité,
mais la charité naturelle qui veut qu’on porte
aide à chacun des Etres de la famille Humaine.
Jusqu’en ces faces les plus ténébreuses adorant
la soumission, ces ilotes gainés de cuir et de
fer dont les blessures avaient besoin de nos
soins, dans ce signe que l’Honneur au combat ne
faillit. Signe de la reconnaissance, signe de
toute conséquence, des plus nobles aux plus
sévères, toujours sans parjure à la fidèle
étreinte charitable qui se doit devant la
douleur, le sacrifice, ou la mort. Ainsi de la
Charité qu’il faut puiser au cœur même de
l’Humain pour en comprendre la pure incantation,
don de Dieu, don précieux toujours renouvelé par
ces terres de feu et jusqu’en nos propres
terres, là bas en l’Occident où nos songes nous
emportaient, avant que d’y revenir physiquement
pour rendre compte des événements présents, et
préparer les événements à venir.
Ne croyez un seul instant que cela est gréé de
simple justice en soi, parfois dans l’épreuve la
colère l’emporterait, et c’est bien là qu’il
convient de taire cette part de nous-mêmes pour
faire place à l’autorité de l’unité qui nous
est, cette Unité ne se brisant sous les attaques
de la déshérence, de la déperdition et de ses
faunes aberrations. La pierre a ses scories, ses
milliards de cristaux qu’il convient sans jamais
se lasser de polir afin de naître aux Autres,
afin de comprendre les Autres, afin de vivre les
Autres, et savoir enfin que chacun n’est qu’un
rayon dans la sphère de l’Humanité, de la Vie,
de son couronnement et de son autorité.
Ici gravite le premier degré du jeu immortel qui
fait comprendre à l’Etre qu’il n’est qu’une
poussière d’étoile, mais que sans cette
poussière d’étoile l’Univers n’existerait pas,
et qu’en conséquence il convient d’apprêter
cette poussière dans la congruité de la réalité,
de sa réalité, avec cette force narratrice qui
convient à l’Autre, cette image multipliée à
l’infini de ce soi que chacun porte. Ici se
tient le lieu de la préhension qui sera culminée
dans l’instant pour les uns, dans de multiples
années pour les autres, et parfois dans
l’éternité pour les derniers. Voici donc la base
de cette pyramide que je compte vous faire
gravir avant qu’à votre tour vous ne rentriez
dans ce champ de blé mur qui correspond son
horizon.
Nous y voici donc marche pied de l’étincelant
rivage, et ce ne sont les efflorescences en
équipages, ni mêmes les aubes moites où les
buccinateurs entonnent un chant de gloire, qui
en changeront les termes comme l’allégorie. Il y
a ici avant tout dans le cœur merveilleux le
souci de l’altruisme, de l’empathie naturelle
qui est grâce et conditionne toute société
Humaine, où qu’elle se situe, dans les terres
désolées, les terres arides où les terres
luxuriantes. Il n’y a d’autre lien que cet
affect qui transcende toute la nature Humaine,
et ce lien est d’autant plus profond qu’il revêt
dans ses caractères de générosité, l’adventice
préhension de cette Charité dévoilée, qui est
Don de sa personne à l’autre, Don de ce que l’on
possède d’une manière éphémère, car tout ce que
l’on possède n’existe que dans l’illusion de
l’instant, et au moment de ce départ naturel
vers de nouvelles épousailles, rien de ce que
l’on a acquis matériellement ne restera en nous,
tout ce que nous aurons construit
intellectuellement et spirituellement restera.
Tel est le principe Humain que tant et tant ont
oubliés, pour se voiler la face dans
l’arrogance, le mépris, l’ardente déjection de
la possession, toutes ces affres qui font
accroire, qui ne sont que des masques pour
cacher une atrophie peu glorieuse, celle de
l’irréductible incapacité à créer, que l’on
constate chez tous les adorateurs, tous les
soumis qui se contorsionnent à souhait afin
d’attirer l’attention, et que l’on ne voit pas
lorsqu’on opère dans la transcendance, tant
larvaire ils se roulent dans le magma de la
terre, sans issue pour s’en élever, le miroir de
leur ascension n’étant que frigide
indétermination pour ce qui est l’azur,
l’immensité solaire, le lac des merveilles des
astres, la pure incantation de la gloire de Dieu
dans son infini majesté, irradiant chaque
parcelle du Vivant de son étreinte magnifiée qui
le dresse vers l’horizon, et non vers l’abîme.
La Charité c’est bien entendu regarder au-delà
de soi, c’est partir à l’aventure de l’autre, et
dans le royaume des stances qui sont multipliées
à l’infini, gravir une route nouvelle à voir, de
tolérance le ferment, comme je l’ai dis la
pierre brute étant principe à la base de toute
création, et cette pierre brute étant par
origine la nature de toute force de la vie qui
s’anime, dans l’espèce Humaine le critère qu’il
convient de bien comprendre pour ne pas se
heurter aux conditionnelles déshérences que l’on
voit fondre dès qu’il s’agit d’entamer soit un
discours soit une action près du commun des
mortels qui n’est pas toujours réceptif à cet
ordre des choses, et peut, dans l’inconnu de
cette perception ne pas comprendre la démarche
soit du discours, soit de l’acte.
Ainsi est-il plus simple dans ce discours comme
dans cet acte de ne pas commettre l’irréparable,
mais bien au contraire dans la préciosité de
l’écoute entreprendre la compréhension de celui
que l’on aide, afin de l’éveiller non pas à
l’aperception mais à la perception de ce langage
ou de cet acte qui devient naturel et s’ordonne
de lui-même dans la réplication qui advient. Je
n’ai connu de rejet du don lorsque le don vient
de cette force qui est commune aux Etres Humains
et qui leur permet de toujours se sortir des
situations les plus complexes, les plus
difficiles, les plus délicates.
Voici donc le chant d’œuvre dans son gréement, à
réfléchir et concilier dans la novation que tout
un chacun porte en soi, le don n’étant linéaire
mais bien conjonction, sans arbitraire, le don
n’étant pas unilatéral mais devenant
multilatéral dans la géographie des sens qui
parlent en nos cœurs et que nos esprits
réfléchissent afin de sacraliser tout moment de
l’existence, toute face de l’existence de la
plus infime à la plus établie, de la plus simple
à la plus complexe, sans jamais se tarir devant
les actions à engendrer, consteller et rayonner
afin d’élever l’Etre au sommet de sa réalité, et
non de la virtualité chevauchée par les hérésies
les plus coutumières, les atrophies les plus
régulières, tout cet épandage de la charogne qui
guette chaque levain pour s’en approprier le
songe, tout ce marasme inventé et conforté pour
naître le parjure, la dissociation,
l’illégitimité, et la propriété du néant qui
voudrait faire accroire sa déité qui n’est que
de circonstance dévoyée et délitée, que nul ici
ne saurait prendre en compte tant la bassesse et
l’outrecuidance sont ses rets.
Ainsi dans l’arbre qui s’élève la parure de ce
monde qui sied à l’Humain, à telle fin que la
Mère n’est elle pas déjà le symbole le plus
altier de cette définition du Don, de cette
Charité souveraine qui n’a d’autres égales par
la temporalité ? Cet exemple en lui-même
démontre les caractères qui relèvent de l’Ordre
et de sa mesure, le dévouement sans limite à la
Vie, ce dévouement voyant sa vie donnée pour que
la Vie puisse vivre, dans ce jaillissement de la
compréhension de l’Harmonie qui veille et
transfigure toutes faces de l’Univers et de ses
forces, dans les genres de notre état Humain,
dans cette complémentarité élémentaire et
charnelle, dans cette dévotion fulgurante qui
veut le devenir, qui puise en les racines l’émoi
des pousses qui quémandent lumière et
générosité, dans le dessein essentiel de cet
avenir que chacun porte et que chacun reflète
dans son ardeur sans compromission, dans sa
juvénile présence, dans ce miroir de l’Ame qui
porte chacun vers la glorification de
l’Eternité, qu’il porte en soi et qu’il œuvre en
sa fécondation et son ornementation.
Charité, le mot n’est pas trop fort ni même
somptuaire pour bien vous faire comprendre que
rien ne se peut sans l’Autre, rien ne se peut
sans son aide précieuse et sans limite dans la
confluence des arts qui surgissent en chacun et
dont les feux sont les facettes de ce vitrail
archéométrique qui enchante à la fois la route
définie et gravie de cet enchantement de notre
présence en ce lieu, en ce temps, et déjà par
tous les lieux, et déjà par delà le temps, comme
un sacre qui se sanctifie de lui-même, comme un
répond en nos pentes les plus profondes, en nos
racines les plus mûres, en cette désignation de
l’onde qui porte ramure de chacun en ses
conjonctions et ses interpénétrations, dans le
salut comme dans la grâce, toujours dans cette
félicité que rien ne peut détruire, ni les
armes, ni les larmes, ni les lois, ni les
sentences, car tout cela n’est qu’épiphénomène
au regard de l’Absolu Souverain.
Matriciel désespoir de ceux qui ne savent plus
regarder autour d’eux, et qui ont besoin de ces
béquilles immobiles qui leur rappelle un instant
de vie, là où dans le naufrage perpétuel ils se
complaisent, là où dans la litanie des sorts ils
lient et confluent ces mêmes sorts à leur perte
infinie, cette perte de leur Vie pour des
valeurs sans lendemains, des fruits d’hiver qui
pourrissent dans les caves de l’infortune qu’ils
nomment fortune, inconscients de leur valeur,
inconscients de leur témérité, inconscients de
ce qui fait et ordonne la Vie, la vrai valeur de
toute spiritualité féconde, le Don de soi, la
Charité de ce Don à autrui, cet autrui qui parle
en nous, cet autrui qui à la ressemblance de
l’enfant à peine né souri au monde, et n’appelle
que pour recevoir ce Don majestueux de la Vie
ordonnée en sa plénitude.
Voici donc le premier chemin à suivre, ce chemin
si difficile pour celles et ceux qui ne se
reconnaissent que dans l’indéfini, l’inaction,
la contemplation du vide, chemin conditionnel à
toute vertu, celle de la splendeur comme de
l’humilité, celle de l’œuvre profane comme de
l’œuvre sublime, celle de l’autorité naturelle
comme de la compréhension vitale, celle de la
force du vœu qui sacre l’Humain, en témoignage
de ce parcours initiatique qu’il commet en ce
lieu et en ce temps, sur cette Terre, sur ce sol
dont tout est là pour lui prouver qu’il est
étincelant rivage d’un avenir qu’il fonde, qu’il
détermine, qu’il commet, au-delà de toute
servitude comme de tout calvaire, lorsque son
cœur est raison de l’imaginal et de ses
magnificences, voici donc le chemin à suivre
pour graviter le seuil perfectible, partage de
toute sa présence au monde, à autrui, aux cieux
et à la terre, partage de cette magnifique
espérance de Vie qui se doit d’être assomption
et non déclin, qui se doit d’être apprentissage
et non ignorance, qui se doit d’être
transcendance et non défaite, transcendance en
rencontre de l’immanence éternelle qui attend et
veille ce chemin qui jamais ne se défait, qui
jamais ne cesse d’être malgré les verroteries
qui s’acclimatent, les paraître insipides et les
reptations infertiles, toutes ces faces aux
miasmes dantesques qui surgissent du néant et
retourneront au néant devant la Lumière
magnifiée issue de cette Charité dont je vous
convie au jeu magistral dans lequel vous
délaisserez à jamais les scories de cette pierre
brute en laquelle vous êtes prisonnier,
libération d’un feu souverain qui ne se mesure
ni ne se déploie sinon que pour aidez votre
prochain à poursuivre sa réalisation
transcendantale et souveraine…
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